La communication non violente
La communication c’est pas si simple
La communication non violente ou non agressive a été mise en place pour faciliter les échanges. Communiquer n’est pas simple. Nous avons tous appris la politesse, les codes du politiquement correct et pourtant il nous arrive régulièrement de nous disputer, de blesser ou d’agresser. D’être soi-même blessé ou agressé au cours d’un échange. Au travail, en famille ou au sein de son groupe d’amis, ces discussions peuvent parfois tourner à l’affrontement. On le regrette, on se projette au prochain échange et cela peut vite être matière à stresser !!
Les causes sont multiples. Cela peut venir d’une divergence d’opinion qui ne trouve pas d’issue et se cristallise; De la fatigue; Du stress; De susceptibilité; De la contrariété ou d’une hypersensibilité.
Cela nous arrive à tous et cependant, certains sont meilleurs que d’autres quel que soit leur état d’esprit ou leur humeur. Ils savent communiquer. Ils ont appris ou cela part d’une aptitude naturelle.
Par ailleurs, ces personnes en question ne sont pas plus polies, gentilles ou hypocrites que les autres. Elles ont cette aptitude à éviter le conflit, apaiser les tensions et proposer des compromis. Elles ont comme point commun : l’utilisation d’une communication non agressive et une bonne affirmation de soi.
Eviter le conflit n’est pas signe de faiblesse
Alors que certains attendent de se rendre au bureau pour en découdre avec leur collègue ou leur supérieur et faire entendre leur voix, les communicants non agressifs vont plutôt réfléchir à la stratégie et aux compromis « donnant-donnant » qu’ils vont pouvoir obtenir.
On perçoit souvent les premiers comme étant des personnes avec du caractère. Or il n’en est rien. Elles manquent d’affirmation de soi et c’est pourquoi il leur semble nécessaire d’utiliser la joute verbale pour se faire entendre.
Les seconds que l’on pourrait croire plus effacés ou polis sont en revanche plus affirmés et/ou mieux équipés en outils de communication.
Grâce à ces atouts, ces personnes seront davantage écoutées et considérées car elles sont rassurantes et perçues comme des personnalités ouvertes, respectueuses et faciles d’accès.
Pourquoi apprendre la communication non violente
Elle permet d’apporter de la qualité dans les relations. Elle utilise un vocabulaire positif, une posture d’ouverture à l’autre et la recherche d’une position gagnante pour tous les protagonistes de l’échange. Il s’agit d’aller vers la recherche de solution et de conserver une relation sereine.
De plus, il arrive que dans certaines situations spécifiques nous soyons obligés de soigner particulièrement le message. Il se peut, en effet, que nous ayons à aborder un sujet délicat susceptible de créer de la tension. Nous pouvons aussi être amenés à nous adresser à un interlocuteur susceptible ou dont la personnalité est particulièrement difficile.
Faire passer un message ou demander quelque chose
La méthode suit un protocole efficace, particulièrement recommandé quand vous avez à communiquer et que l’échange peut mal tourner.Les différents cas qui recommandent d’user de communication non agressive :
- Faire une demande importante, avec des conséquences : une requête avec de forts enjeux pour vous comme pour votre interlocuteur
- Donner des directives : au travail comme dans votre vie personnel, quand vous êtes amené à donner des ordres sans véritable légitimité aux yeux de votre interlocuteur. Quand votre légitimité ou votre autorité est contestée. (Un collègue, votre adolescent…)
- Emettre des critiques : faire le bilan d’une collaboration, d’un travail, d’une décision,…Mettre des choses au point (divergences, points de friction…) : un conflit avec un collègue de travail, un professionnel, votre conjoint.
- Confronter des idées avec des enjeux importants : les situations qui vont créer des divergences d’opinion et qui peuvent rapidement conduire à une impasse ou à de la violence si les esprits s’échauffent.
- Recadrer : une attitude inappropriée, un fonctionnement non conforme,…
Le but
Eviter que la personne à laquelle on s’adresse ne se sente agressée ou jugée. Qu’elle n’ait pas le sentiment de perdre la face. Et que sa susceptibilité soit épargnée. Il s’agit de s’en tenir au fait sans émettre de jugement de valeur afin de trouver un terrain d’entente. De voir sa proposition acceptée ou une situation prendre fin.
Faire face à la demande d’une personne énervée ou agressive
C’est le cas où vous devez répondre à une personne violente verbalement ou énervée. Vous n’avez pas encore échangé avec elle et vous voyez qu’elle est déjà sous tension et prête à en découdre. Donc, les conditions n’étant pas réunies pour échanger normalement, vous comprenez que vous allez vers l’affrontement.
Le but
Eviter de devenir la victime de sa mauvaise humeur et apaiser les tensions. La méthode pourra vous permettre de restaurer une situation apaisée et propice au dialogue.
Les étapes de la communication non agressive
Vous êtes en demande
L’observation
Il s’agit de restituer la situation. Pour cela, il est recommandé de rester le plus factuel et positif possible. Ce n’est ni un jugement ni une critique. Ainsi, on évitera à l’interlocuteur de se retrouver dans une position qui exige qu’il se mette en position défensive.
Cette phase doit permettre de créer les premières conditions d’un échange coopératif.
Ex : « tu t’étais engagé à rendre ce travail pour 12h. Il est 15h et je vois que tu n’as pas fini ».
Ici, nous sommes dans le factuel et aucun jugement n’est porté.
En revanche les phrases comme « ce n’est pas sérieux », « tu manques à tes engagements » peuvent pousser la personne à se sentir agressée ou dévalorisée. Cela n’est guère engageant pour un échange apaisé et égalitaire.
L’expression de ses sentiments
Dans cette étape, on va exprimer son ressenti vis-à-vis de la situation pointée. L’émotion ou le sentiment doit être rattaché directement à l’acte. Ce n’est pas la personne que nous visons mais son action.
Ex : « je suis déçu lorsque je constate que les engagements pris ne sont pas tenus dans le cadre d’une collaboration »
L’expression de ses besoins
Cette étape prépare la demande ou la proposition que vous allez faire. Vous allez exprimer votre besoin pour vous sentir mieux. Il ne s’agit pas de dire ce que l’on attend de l’autre mais ce que l’on souhaiterait.
Ex : « j’aimerais savoir que je peux compter sur toi quand tu t’engages pour pouvoir, moi aussi, être en capacité de tenir mes engagements puisque mes tâches sont dépendantes de la réalisation des tiennes. »
Formulation d’une demande
Il s’agit d’une réelle proposition. Ce n’est pas un ordre ni une formule de politesse qui sous-entendrait également un ordre.
Ex : « serais-tu d’accord lorsque tu prends du retard sur ton travail, de me prévenir aussitôt, ce qui me permettrait de pouvoir me réorganiser moi aussi ?».
Si la demande est justifiée et cohérente, il n’y a logiquement pas de raison pour qu’elle soit déclinée. Il reste des cas spécifiques où vous allez devoir vous en remettre à une tierce personne. Ainsi, dans le cas de harcèlement ou de conduite déplacée il est recommandé de demander de l’aide (médiateur, délégué du personnel, police, administration…).
Vous faites l’objet d’une demande
Lorsqu’une personne est d’office dans un état de stress ou d’agressivité, il n’est pas toujours facile de comprendre ce qu’elle veut. Vous n’êtes pas préparé et le message a de grande chance de vous arriver sans « enrobage », brut.
- Votre interlocuteur peut se désamorcer au moment où il vous adresse la parole (idéal !!),
- L’interlocuteur peut vous agresser mais émettre clairement le point d’achoppement, son mécontentement et sa demande,
- Enfin, il se peut qu’il vous agresse d’entrée de jeu et vous critique violemment sans formuler de demande précise. « Vous êtes nul », « incapable », « c’est du mauvais travail ». Dans ce cas, il faudra comprendre. Aller chercher les informations manquantes.
Acceptation de la personne
Cela veut dire d’éviter de rejeter son état. La prendre en considération sans toutefois lui donner corps. En revanche, vous devez savoir ce qui la rend insatisfaite et agressive.
Ex : Vous pouvez lui demander ce que vous pouvez faire pour elle. « Je vois que tu n’as pas l’air bien. Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? » « Que souhaites-tu que je fasse »,…
Entendre l’expression de ses sentiments
La demande n’est pas claire car la personne reste piégée dans ses émotions.
Vous allez vous assurer que vous ne passez pas à côté de sa demande, de son motif d’insatisfaction. Pour cela, vous allez reformuler la demande pour valider son motif d’insatisfaction.
Ex : « si je comprends bien, tu as besoin d’un rapport de toute urgence ?»
A ce stade, il se peut que la personne soit encore très énervée et vous bombarde de critiques (le planning que vous n’avez pas respecté, votre incompétence, négligence,..). Ce n’est pas le moment de vous défendre ou de lui opposer vos arguments. Essayer de la calmer en lui faisant comprendre l’intérêt qu’elle a de se tempérer si elle souhaite voir aboutir rapidement sa demande.
Ex : « bon, je vais m’y mettre dès maintenant pour que tu puisses l’avoir au plus tôt. Tu peux me préciser le dossier, stp ».
Elle va, à ce moment, clarifier davantage sa demande en exigeant la remise du dossier à une heure précise, avec telle ou telle correction, etc…Si tel n’est pas le cas, vous allez chercher ces compléments d’information.
Entendre l’expression de ses besoins
Reformulez correctement, ce n’est pas mot à mot mais la démonstration que vous avez compris ce que votre interlocuteur attend de vous. Vous allez aussi vous garder de toute interprétation ou intention à son égard, ce qui risque de l’énerver.
Ex : « d’accord, donc si je te comprends bien, tu souhaiterais le dossier x avant 18h ce soir, complété des annexes et du compte rendu des dernières évaluations ».
Proposition acceptable et négociable
Vous n’allez pas avoir le temps de terminer le dossier comme exigé. Vous êtes dans les délais initialement exigés mais ce responsable s’est engagé trop rapidement (ou obligé) à les avancer. Vous allez devoir négocier et lui proposer le compromis acceptable pour vous deux.
Ex : « j’ai bien compris tes nouveaux impératifs. Tu as rendez-vous demain à 17h à l’entreprise X. Compte-tenu de l’avancement de mon travail, je te propose de te le faire parvenir à ton domicile, ce soir. Au plus tard, je m’engage à te l’expédier par coursier aux premières heures, demain matin.
Il n’est pas question d’émettre une proposition pour le calmer et gagner du temps. Il s’agit d’un véritable engagement. Il vous faut donc proposer une solution que vous serez capable de tenir. Si vous n’en voyez pas, vous pouvez proposer d’étudier la question avec une tierce personne (ici, avec votre supérieur) afin de trouver la meilleure solution.
Enfin, il se peut que la proposition ne soit pas acceptable pour lui. Qu’il fasse une contre-proposition toute aussi inacceptable pour vous. Ici encore, une tierce personne sera nécessaire.
Pour conclure
Ce protocole est un merveilleux atout en communication car il est simple et convient à toutes les situations. En revanche, il peut nécessiter des ajustements dans les cas spécifiquement conflictuels. Vous allez rencontrer des personnalités pathologiquement difficiles, paranoïaques ou perverses dont l’objectif est de ne jamais rien concéder, de faire plier ou de soumettre l’autre quel que soit l’enjeu. Ces échanges impliquent des formulations pour demander plus de respect. Vous pouvez aussi décliner la demande ou décider de couper court à l’échange. Naturellement, là encore vous utiliserez un vocabulaire positif et respectueux.
C’est tout de même une préparation mentale qui nécessite de pratiquer régulièrement. Elle exige également d’assurer une posture physique qui ne traduirait pas l’agacement ou la violence que vous pouvez contenir. Cela peut faire échouer le protocole. Enfin, elle ne vous met pas pour autant à l’abri définitif, d’un petit « pétage de plomb » occasionnel : nous sommes humains !!
Bonsoir Manuelle, merci pour ton article sur la communication non violente, dont j’ai lu le livre. Un bon rappel synthétique. Pas facile de respecter les étapes dans un cas réel. Plus on a d’exemples et plus ça aide à intégrer dans sa propre communication les principes. Ensuite rien ne vaut l’exercice. La CNV est un muscle à travailler. Cordialement.
Raphael
Bonsoir, j’ai bien aimé la partie sur les personnes agressives manquant de confiance en elles/les personnes évitant les conflits. C’est pertinent et véridique. En revanche, je me pose une question : comment réagir quand une personne se vexe, se sent accusée même lorsque l’on prend des pincettes ? Pour elle, il y a un sous-entendu alors qu’à la base c’est constructif.
Bonjour Christelle, tu peux lui demander ce qui l’a contrarié dans ce que tu lui a dit : « je vois que tu es contrarié par ce que je t’ai dit. Est-ce que tu veux bien me dire ce que tu ressens » Ainsi, tu verras ce qu’elle a vraiment compris de ton propos, quels arguments l’on touché, quels émotions et sentiments cela a suscité chez cette personne. Suite à cela tu pourrais accueillir ce ressenti : »je comprends que tu te sentes….car tu as cru que je te reprochais/critiquais…..Peut-être me suis-je mal expliquée ou ai-je été maladroite quand nous avons parlé de…Or, je voulais simplement exprimer le fait…. ». En revanche, si tu vois que sa susceptibilité relève de la mauvaise foi ou qu’elle reste sur sa position (cela peut-être tentant de prêter des intentions aux autres pour éviter de se confronter à leurs idées)…Cela lui appartient et tu ne peux rien faire, si ce n’est la laisser « maturer » tes propos et ses sentiments et digérer tranquillement. Parfois, il faut du temps à certaines personnes pour accepter, pour réfléchir et s’approprier les remarques que nous leur adressons. Les remises en questions c’est difficile!! Bonne journée en espérant avoir répondu à ta question
Bonjour Manuelle, je pense que c’est un peu des deux. J’ai ce même discours que tu me conseilles, mais peut-être que ma façon de m’exprimer est maladroite, que je n’utilise pas les bons mots. Tout de même, je soupçonne une mauvaise foi, car la personne s’entête à interpréter mes propos et dresse un mur entre nous :/
Laisse lui alors du temps. Elle réfléchira..ou pas. L’important pour toi est de savoir ce que tu voulais lui transmettre. Elle se ferme et cela lui appartient. En revanche, tu as toi aussi le droit d’exprimer ton mécontentement sur sa façon de recevoir les conseils si tu sens que tu en as besoin. La leçon que tu peux en tirer, c’est qu’elle ne désire pas de conseils, donc désormais, laisse la gérer ses affaires.